Mégane, 19 ans, malentendante: un été au bar laitier
Mégane Fortin cherchait un emploi d’été depuis qu’elle avait 15 ans. Peut-être que le mot «malentendante», inscrit sur son curriculum vitae, embarrassait certains employeurs, puisqu’elle ne recevait pas de nouvelles. Engagée il y a un mois au Crémier de Jonquière, la jeune femme de 19 ans oeuvre pour la première fois dans le domaine du service à la clientèle. Et Mégane remercie son employeur d’avoir fait preuve d’ouverture d’esprit.
Mégane Fortin, de Chicoutimi, a été frappée par la méningite lorsqu’elle n’avait que 2 ans. La petite s’en est bien sortie, mais elle a perdu l’un de ses sens. Depuis son jeune âge, elle est malentendante, mais porte des implants cochléaires. Elle entend si on lui parle un peu plus fort, mais a développé des problèmes de dysphasie en raison de sa surdité. Son enfance et son adolescence n’ont pas été faciles, puisqu’elle était victime d’intimidation à l’école.
Mégane oeuvre au Crémier de Jonquière depuis un peu plus d’un mois. Elle est heureuse d’avoir déniché un emploi qui lui permet de rencontrer les gens.
«J’étais souvent toute seule, car les autres enfants ne voulaient pas vraiment être avec moi. Disons que ce n’était pas facile et que je faisais rire de moi», se remémore la jeune femme.
Malgré ses problèmes d’audition et de la parole, la jeune femme s’exprime très bien et elle a rapidement pris ses aises dans son nouvel emploi. «J’étais à la recherche d’un emploi depuis que j’ai 15 ans. Je voulais un petit emploi pour l’été et j’étais prête à faire n’importe quel travail. J’allais porter des CV, mais je n’avais jamais de retour. Ou lorsque je rencontrais les employeurs, je voyais leur malaise et ils ne me rappelaient pas», raconte la jeune femme, qui a envoyé son CV au Crémier de la rue Saint-Dominique de Jonquière, lorsqu’elle a vu une annonce sur le site du Cégep de Jonquière.
Mégane a rapidement pris ses aises, mais doit toutefois répondre aux interrogations des clients concernant la façon dont elle s’exprime.
LE PROGRÈS, MARIANE L. ST-GELAIS
«J’ai toujours écrit que je suis malentendante sur mon CV, car je trouve que c’est plus honnête comme ça», souligne Mégane Fortin, lorsque rencontrée par le Progrès au comptoir laitier, un peu avant son quart de travail.
Au boulot, la jeune femme se fait souvent questionner sur la façon dont elle s’exprime. Mais les clients croient plutôt qu’elle est originaire d’une autre région, comme la Gaspésie ou qu’elle est anglophone. «Certains clients croyaient même que j’étais Française. Je leur explique que je suis sourde et ils ne me posent pas d’autres questions!», raconte-t-elle, en riant.
Patrice Ménard est heureux de donner sa chance à Mégane, qu’il décrit comme une très bonne employée.
LE PROGRÈS, MARIANE L. ST-GELAIS
Elle est contente de pouvoir oeuvrer dans le secteur du service à la clientèle. Le seul emploi qu’elle avait déniché auparavant, c’était celui d’aide-bibliothécaire, il y a quelques années. Depuis, elle n’arrivait pas à se trouver un travail.
«Je suis vraiment contente de pouvoir me faire de l’expérience. Je n’en avais pas, mais il faut bien commencer quelque part. Je suis aussi contente que M. Ménard (le patron du Crémier) m’ait donné ma chance et j’espère que ça va donner l’idée à d’autres employeurs de faire la même chose. Parce qu’être malentendant, c’est juste un problème de surdité. Certains croient qu’on est moins intelligents ou pas très doués en raison de notre façon de parler, mais c’est faux», a indiqué Mégane Fortin.
Patrice Ménard est heureux de donner sa chance à Mégane, qu’il décrit comme une très bonne employée.
Saguenay (Jonquière) Le Cremier employee sourde Megane Fortin Patrice Menard proprietaire Le Cremier Jonquiere Chicoutimi Nord
Photo: Mariane L. St-Gelais
+ LE PATRON DU CRÉMIER HEUREUX DE SON CHOIX
Le propriétaire du Crémier, Patrice Ménard, est heureux d’offrir un emploi à Mégane Fortin. «Le seul vrai handicap qu’a Mégane, ce sont les employeurs qui refusent de lui donner sa chance à cause de sa surdité», estime celui qui possède deux bars laitiers, l’un à Jonquière et l’autre à Chicoutimi-Nord.
Patrice Ménard embauche une dizaine d’employés pour l’été.
«Lorsque je l’ai rencontrée, je pensais qu’elle était anglophone. Je n’avais pas remarqué qu’elle était malentendante. Mais ça ne m’a pas dérangé du tout. Elle s’exprime bien et si on lui parle un peu plus fort, elle comprend. Sinon, elle nous fait répéter et c’est tout. Elle est très bonne avec les clients et la seule chose qu’elle ne peut pas faire, c’est répondre au téléphone. Mais ce n’est pas bien grave!», souligne celui qui oeuvre dans le domaine de la crème glacée depuis 41 ans maintenant. L’homme est d’ailleurs connu pour être celui qui était derrière le volant du fameux Cornet Volant, il y a de ça plusieurs années.
«Mégane a rapidement su prendre sa place. C’est la première fois que j’emploie quelqu’un avec une déficience physique et j’encourage tous les employeurs à faire de même. Il y a une pénurie de main-d’oeuvre en plus. Et ces gens ont le droit comme tout le monde de travailler», a souligné Patrice Ménard, ajoutant que les employeurs doivent aussi s’adapter aux changements de la main-d’oeuvre.
Source : Lenouvelliste